A propos de déménagements…
En l’honneur du lancement du site de partage en ligne
de ma wonder cousine, qui va bien me sauver la vie à l’avenir
(elle met en relation ceux qui, comme moi, on souvent besoin de stocker des trucs ici ou là sans vouloir pour autant squatter le garage de sa mère, et des particuliers qui, eux, savent pas quoi faire de leur dit garage et n’ont pas d’enfant itinérant ;-))
je voulais vous mettre un ptit peu de rab,
et vous offrir un mail qui n’a pas été retenu pour le livre L’Homme itinérant,
mais qui aurait vraiment pu l’être,
et qui raconte un déménagement
– comme tant d’autres mails adressées au fil des ans à ceux que j’appelle « Chers tous » (et qui m’ont bien aidé à les faire, ces déménagements …;-))
Rome, mardi 21 juin 2005, 21h17
Déménagement
Chers tous,
Ce soir, il fait nuit et enfin moins chaud sur Rome. Dans l’espace de ciel que délimite ma cour, quelques étoiles sont passées depuis que j’ai commencé ce mail à mon bureau. J’écoute de vieilles musiques. Je pense à vous, je me demande ce que vous faites à cette heure.
La semaine dernière, j’ai commencé le déménagement. Ouvert les premiers cartons, ceux qui étaient restés encartonnés. Ceux qui contiennent les trucs que, comme dit Greg, on ne garde que pour le plaisir de les voir à chaque déménagement. J’ai passé deux nuits blanches, à relire des lettres à quatre heures du mat’, à tomber sur des vieilles photos, des programmes de cours, des convocations à un examen, à ouvrir des pochettes qui me balançaient mon passé à la gueule, mais avec sa dégaine d’alors – et parfois même sa vraie odeur, hallucinant !
Je me suis senti bizarre, si loin de vous tous qui faites ma vie, et en même temps heureux à vous savoir si proches, tout au fond du coeur, si prompts aux rendez-vous qu’appelaient les boîtes à chaussure, et en même temps venant avec vos habits d’hier, certes parfois démodés – mais bien réels. Libérés du filtre de la mémoire, avec ce que ça a de bon et de dangereux en même temps.
Je me suis baladé avec vous, j’ai écouté de nouveau ce que vous me disiez alors, j’ai rigolé à une ancienne vanne, on s’est paumés ensemble, on s’est retrouvés ensemble, comme alors. J’ai pensé à tous ceux qui m’ont assisté dans mes anciens déménagements, à tous ceux qui m’ont aidé à ouvrir les boîtes de pandorre – et à les refermer.
Je vous rassure, le déménagement se fait dans deux semaines (le 2 juillet), et une fois encore, il se fera à l’huile de coude et d’amitié. Je vous rassure également, ça les enchante pas forcément plus que ça vous enchantait à l’époque où vous m’avez aidé à en faire une bonne dizaine. A dire ça je souris, parce que je revois Guitou et le diable, puis la joyeuse bande du 9 qui alla ensuite chez Polo voir la France s’effondrer devant l’Uruguay, je revois Jérôme arriver à Lille au volant de son camion, et Nico dans ma chambre au 20, et les hurluberlus de la rue de Lancry, et tous les autres… putain, faut que j’arrête de déménager…
Je vais finir ici ce mail. Il se fait tard, et même si je dormirai demain dans l’avion, si je suis trop crevé, je ferai rien de bon…
Au moment de vous embrasser tous, je vais me permettre de déroger à l’habitude, et vous laisser en guise d’au revoir avec ce que j’ai trouvé dans mes cartons. Y a un peu de poussière, mais je pense que vous vous y retrouverez. Nous y avions rendez-vous l’autre soir, il me paraît juste de vous rappeler l’adresse…
Pêle-mêle donc, parce qu’on est toujours étonné, deux ans après, de comment on a pu associer les choses deux ans auparavant :
“C’est l’été”, un toit de Cracovie, un album des Gun’s and Roses (Civil War…), un article de la Croix du 1er janvier 2000, un bateau autour, des jeunes et des soldes, des topos d’aumônerie, des track-listes de compils faites pour d’autres, été ou hiver, des compils qu’on m’a faites, Théo, et aussi Télémaque (appel à l’ex-Réunionaise), un pot marocain offert après un couscous (et avant une balade avec deux frères dans les faubourgs de Casablanca), une terrasse à Ouaga, une digue aussi, des mails à Lille, un premier roman jamais fini, Oui-Oui, un ami moustachu qui joue de l’accordéon sur la première page d’un journal, une forêt à Marchiennes, une odeur de poissonnerie rue Jules Guesdes à côté d’une porte rouge, un bar africain et un mariage lillois, un ancêtre qui meurt dans un livre au tout début de la guerre (il est toujours aussi bien, ce livre, je tiens à le dire), une facture de Monsieur Bricolage, des délires sur Monsieur Cache-cache (qui mange des vaches) sur fond de Isley Brothers, les Champs-Elysées à quatre heures du mat’ et à deux sur une bicyclette (en montée, rappelons-nous), une vue de Dubrovnik, des cours du Strag’, des lettres de Pierre, des lettres d’Isa ou de Grany, une assiette qu’on peut toujours rajouter au dernier moment sur une table, un petit philosophe (celui-là, je dois dire que je l’avais presque oublié), un petit prince, les bouilles et les portraits (en plongée, ça vous écrase un homme !) d’un catalogue 76e, un Charlie, une carte de Djibouti, un éléphant dans les étoiles, une maison en Bretagne, quatre chapeaux, des poètes en funambule en araignées en cul de bouteille cachés dans des manipulations outrancières, une chambre à Nanterre, des lettres de Rome racontant une drôle de colloc (j’avais presque oublié que tu y étais allée), un syndicaliste et des bleus de travail, un balcon à Antibes, un balcon au septième ciel, un autre bateau, en Corse celui-là, Nietzsche à Rome, un livre de citations sur les femmes lus au Marly une veille de dissert, Monaco et Mohammed VI et les forêts françaises, un lion dans une clairière, un saucisson en ciré jaune, des trucs que votre grand-père vous a jamais racontés, une colloc avec un frère, une grand-mère dans une enveloppe, et pas mal d’autres trucs encore, mais je sais déjà pas si tout le monde est arrivé à la fin.
Une fois encore je vous dis merci pour tout cela.
Et je vous embrasse fort
Rom, l’homme itinérant
(et sinon la page d’accueil de leur site,
c’est assez facile à utiliser, jetez un coup d’oeil !