Rien dans les poches

J’ai rencontré les Romanès il y plus de dix ans, et je m’en souviens encore comme si c’était hier.

Leur envoûtant petit spectacle de gitans, leur chapiteau à taille humaine, et toute cette famille et toute cette âme sur la piste, ça m’avait refilé des yeux de gamin le temps d’une soirée…

Je me souviens de la poésie de cet instant, des illuminations, des flashs au cœur, du rire et de la musique — la musique, oui, partout !

Je me souviens surtout cette sensation étrange de faire tous corps, artistes, public et musiciens, retenant notre souffle ou le donnant, et combien être ensemble fut facile, ce soir là, par la grâce d’une famille bizarre et par la magie de tous ceux qui la composent, gitans de trogne ou d’âme. Depuis, je n’ai pas manqué de voir leurs spectacles, et chaque fois, chaque exacte fois, ce fut la même magie, et le même étonnement.
Dix ans plus tard, mes amis gitans ont adopté l’homme itinérant que je suis, et mon fils né il y a peu porte le prénom de l’un des leurs sur son état civil. Et si j’ai laissé le vent, la poésie et la folie de vivre gagner tout entier mon cœur, c’est en grande partie grâce à eux, à leur musique — et je ne les en remercierai jamais assez…
Entre-temps, le Cirque Romanès a déménagé, parachuté il y a cinq ans dans le so chic 16earrondissement de Paris, où les gitans ont vite fait tâche.

Le temps est au brun, et on s’est bien chargé de le leur rappeler.

On a coupé les fils de leur internet, pissé sur leurs costumes, et manifesté jusque sous les fenêtres des caravanes de leur petit campement avec des slogans pour le moins explicites… Sans compter cette petite vieille bien sous tout rapport qui a un jour demandé de but en blanc à Alexandre Romanès :

« Et vous partez quand ? »

Le Cirque Romanès en a vu d’autre. Ici, y a pas que Betty la danseuse qui marche sur une corde, et avec le temps on s’habitue. N’empêche…
Et puis sont venus les Gilets Jaunes, qui ont choisi les Champs-Elysée pour forum de leur colère, à deux stations de métro du cirque. Ça a effrayé le spectateur potentiel : « Et si en guise de poésie on allait ramasser un pavé dans la gueule ? » Le spectateur potentiel est moins venu, et d’ailleurs lui aussi il tire la tronche et ausculte son portefeuille. Pourquoi payer pour aller voir un cirque de gitans quand on paye déjà Netflix à la maison ?
Mais aujourd’hui, c’est encore une nouvelle goutte d’eau qui tombe dans le vase, et de taille :

cet été, contrairement aux autres, aucune ville ne veut accueillir le Cirque Romanès en tournée.

Strasbourg, Rennes, Lille… il y a toujours des bonnes raisons pour ne pas ramener un gitan chez soi, fût-il musicien et poète. Mais quand même, ça pique…
Alors ? Alors on a beau savoir jongler avec le feu et les mots comme Rose, aprivoiser une corde comme Alex, tourner dans un cerceau géant comme Alin ou faire vivre un saxophone comme seul Gigel sait le faire, à la fin on se lasse. On perd un peu espoir. Juste une seconde, certes…
— mais si une seconde d’espérance qui s’envole du Cirque Romanès pouvait suffir à me rendre mal, moi le petit gitan biscornu ? Comme si elle allait manquer au monde, cette seconde de fantaisie unique que savent si bien offrir mes vieux amis, eux aussi gitans biscornus devant l’éternel ?

Alors ? Alors une solution de gitan… !

J’ai appelé Delia. Je lui ai dit : «et si vous faisiez un spectacle de soutien à vous mêmes ? et nous on vous ramène le public, disons… 300 personnes… Le dernier samedi de juin, ça irait ?»

Comme Delia est aussi folle que moi, et que les temps bruns qui courent beaucoup trop vite pour nous en ce moment nous mettent autant la rage à l’un qu’à l’autre, on a topé : « Chiche ! »
Un coup de dé en forme de résistance minuscule. Essayer, encore une fois, de croire le contraire de ce qu’on nous raconte partout. Croire que l’on est ensemble, longue chaîne de fraternité entre inconnus qui se dépannent entre eux, gitans, météques, blancs, noirs, arabes, berbères, jaunes, d’ici et d’ailleurs… qu’est-ce qu’on s’en fout ? Tout ça pour se gagner à chacun une petite seconde d’espérance, sans laquelle notre monde vascille — et alors à quoi bon vivre ?
Les Romanès n’ont rien dans les poches. Mais croyez-moi ils sauront remplir les vôtres bien au delà du bord ! Et par les temps qui courent, un peu de fraternité, de sourire, d’amitié, le tout tartiné de beaucoup, beaucoup de musique, ça peut pas vous faire de mal 😉

Bref, vous l’aurez compris, on a besoin de vous !

— et de vos potes, de vos grand-mères, de vos cousins, de votre ami de passage à la maison ce week-end là, de vos voisins, de vos lointains, bref de tous ceux que vous pourrez rameuter…

Objectif ? 300 personnes ! C’est jouable, non ?

Et nous on vous attend le 29 juin à 16h dans le 16e

avec beaucoup d’amis que vous ne connaissez pas encore
beaucoup de joie
et beaucoup d’espérance…
Rom, l’homme itinérant

INFOS PRATIQUES

29 juin 2019 à 16h

Square Parody (Paris 16)

Boulevard de l’amiral Buix

Métro : Porte Maillot / Porte Dauphine

Entrée adulte : 15 €

enfant : 10 € /

moins de 4 ans : gratuit

(http://billetreduc.com ou paiement à l’entrée du chapiteau)

 

Et si vous voulez en savoir plus, jetez un œil à ce petit film de 20 minutes que j’ai réalisé il y a dix ans avec les Romanes pour 13H15 (France 2). Ça s’appelle « BANDE ORIGINALE ». Et croyez-moi, ils n’ont jamais aussi bien porté leur nom…

 

 

 

 

 

 

 

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