« Vivre n’est pas un métier »

Pour tous ceux qui me demandent :

« mais tu fais quoi dans la vie » ?

et devant qui parfois je reste interdit.

L’ami Blaise, lui, a la réponse.

 

 

 » Je ne suis pas poète. Je suis libertin. Je n’ai aucune méthode de travail. J’ai un sexe. Je suis par trop sensible. Je ne sais pas parler objectivement de moi-même. Tout être vivant est une physiologie. Et si j’écris, c’est peut-être par besoin, par hygiène, comme on mange, comme on respire, comme on chante. C’est peut-être par instinct ; peut-être par spiritualité. Pangue lingua. Les animaux ont tant de manies ! C’est peut-être aussi pour m’entraîner, pour m’exciter – pour m’exciter à vivre, mieux, tant et plus !
(…)
La littérature fait partie de la vie. Ce n’est pas quelque chose « à part ». Je n’écris pas par métier. Vivre n’est pas un métier. Il n’y a donc pas d’artistes. Les organismes vivants ne travaillent pas. (…) Je ne suis pas un homme de lettres. Je dénonce les bûcheurs et les arrivistes. Il n’y a pas d’écoles. (…)
J’aime les légendes, les dialectes, les fautes de langage, les romans policiers, la chair des filles, le soleil, la Tour Eiffel, les apaches, les bons nègres et ce rusé d’Européen qui jouit goguenard de la modernité. Où je vais ? Je n’en sais rien, puisque j’entre même dans les musées. Quant à mes moyens, ils sont inépuisables ; je suis né prodigue. »

Blaise Cendrars, 1913

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