Le pantalon…
Chers tous,
comme en d’autres temps à Tanger je cherchais une chemise, je cherche aujourd’hui un pantalon, et une veste, pour fêter dignement la sortie de L’homme itinérant. Ou plutôt j’ai déjà un pantalon, qui m’a suivi au bout du monde, et qui est au bout du bout du coton qui le compose, usé jusqu’à la corde, et je cherche à lui donner une seconde vie. Et du coup je me suis dit que quitte à faire le pantalon, autant faire la veste qui va avec…
Hier soir, j’ai passé pas mal de temps dans l’antre d’un grand couturier sénégalais, byfall de son état (confrérie de mourides à part au Sénégal, puisque leur souci, fixé par le marabout Cheikh Amadou Bamba, est d’abord de se mettre au service de la communauté…)
Je lui ai apporté mon plus vieux pantalon, mon pantalon de coeur, qui me suit dans tous mes voyages depuis huit ans. L’ourlet a été fait par Mohammed, le vieux tailleur de Tanger, qui le premier m’a enseigné l’arabe tanjaoui (j’étais en caleçon dans son arrière-boutique en train de fumer le kif pendant qu’il s’occupait de mon unique pantalon),
le rapiéçage supérieur par les couturiers des FRCI, les rebelles ivoiriens, avec qui je passais de longues heures à apprendre le Dioula,
et dont les poches, enfin, ont été customisé par Bari, le couturier près de mon bureau.
Abdoul, le couturier en question, est un des noms qui monte sur la scène dakaroise. Il travaille pour les plus grands mannequins, toujours à partir de récup, de métissage et de patchwork, et j’adore son boulot, que j’ai eu la chance de voir en défilé (n’est ce pas petit frère ?)
Il a écouté l’histoire de mon pantalon, usé jusqu’à la corde, écouté votre histoire, chers tous, et comment vous m’avez emmené au bout du monde et tiré les mots du coeur en toutes circonstances. Enfin, il a écouté l’histoire d’une soirée au cirque pour laquelle je rêve d’un pantalon et d’une veste un peu particulière, et de tous ces événements qui vont bientôt nous réunir pour fêter la sortie de L’homme itinérant…
On a parlé Petit Prince, qu’il ne connaissait pas, et Corto Maltese, autre grand personnage à la si belle veste s’il en est, on a fini à 2h du mat’ par la prise de mesures (ben oui, je suis passé à la haute couture, moi maintenant) et ce matin, je lui ai envoyé des croquis pour le guider… Col, manches, longueur, caban de Corto ou cape du Petit Prince…
Pour voir son travail, son génie, et accessoirement le résultat sur votre serviteur, vous savez quand venir…
Je vous joins ci dessous les croquis que je lui ai envoyés… 😉
Et je vous repose cette question magique de l’époque de la Fashion Week, et que j’ai posée aux plus grands couturiers parisiens comme aux habitants des maquis africains :
« Qu’est ce que tes fringues me racontent de toi ? »
Les miennes racontent que je m’asseoie volontiers dans la rue, à même le sol, pour parler aux plus petits, mais que je veux quand même pouvoir tenir tête à quelqu’un qui croit que la classe est un préambule sans lequel on ne s’adresse pas à l’autre, pour remettre à leur place ceux qui croient que le pouvoir donne tous les droits. J’aime qu’elles ne se fassent pas repérer, mais qu’elles racontent un certain goût du détail… Et enfin, j’aime qu’elles aient de la couleur…
Je vous embrasse fort
Rom