La vie en rose
Je courais, raccord avec le rythme parisien. Correspondance à Montparnasse, flot de travailleurs pressés de rentrer chez eux. Chacun regardait ses pieds, enfermé en lui-même et dans sa propre solitude. Et puis soudain je l’ai vue, et entendue.
Vieille, aveugle, un oeil qui disait merde à l’autre dans son costume d’un autre temps, elle était posée là, au carrefour de deux couloirs anonymes. Elle chantait « La vie en rose » d’une voix usée, éraillée, mais que le flot continu de parisien hermétiques n’arrivait pas à troubler.
Je me suis arrêté. Ou plutôt elle m’a arrêté, moment absolu de poésie qui annule la réalité rébarbative, et lui donne couleur, et goût, et sens.
Alors ce matin, je voulais vous l’offrir : « Quand il me prend dans ses bras, qu’il me parle tout bas… »