«La poésie, ce n’était pas de la littérature…»

L’autre jour,

sur la devanture d’un restau,

y avait le début de ce poème de Baudelaire :

« Aujourd’hui l’espace est splendide !
Sans mors, sans éperons, sans bride,
Partons à cheval sur le vin… »

 

Il me revient ce soir,

alors que je lis sous la plume d’un gars de Buchenvald

comment la poésie, la récitation de poème,

a joué un rôle dans la survie mentale

des déportés.

 

« La poésie, écrit-il, ce n’était pas de la littérature. (…) La morale était impuissante. Toutes les morales. Comme si elles avaient été créées, toutes, pour des conditions artificielles d’existence : la paix provisoire, l’équilibre social provisoire. Les idées, les connaissances n’y pouvaient rien non plus : elles laissaient intact le désespoir des hommes.

Seule la religion nourrissait. Et, tout près d’elle, la sensation de la chaleur humaine, de la présence des autres en tant qu’êtres physiques contre notre corps. Et la poésie.

La poésie faisait place nette.

J’entends des sceptiques gronder : « il ne nous fera pas croire qu’ils se nourrissaient de poésie ! » Certes non : nous nous nourrissions de soupe à l’eau et d’un pain amer. Et d’espérance. Que les sceptiques ne l’oublient pas ! Or, c’était justement avec l’espérance que la poésie avait affaire. Et il m’a fallu traverser ces circonstances épaisses, matérielles, étroitement physiques – jusqu’à la suffocation -, pour savoir combien sont denses et tangibles ces choses sans poids qu’on nomme espoir, poésie, vie. »

Jacques Lusseyran,

l’auteur de ces lignes,

était aveugle, quand il est arrivé à Buchenwald.

Les raisons sont légions de lire ce livre lumineux, ce livre de voyant qu’est

Le monde commence aujourd’hui.

Je n’en dirai aucune, sinon que ce livre devrait être remboursé par la sécu tellement il fait du bien, tellement il donne à voir, à vivre, à aimer – même au coeur de l’horreur.

Alors in memoriam,

et parce que les premiers vers figuraient l’autre soir sur une ardoise de restaurant, dans la rue,

je nous offre un ptit Baudelaire…

Dégustez 😉

 

Le vin des amants

Aujourd’hui l’espace est splendide !
Sans mors, sans éperons, sans bride,
Partons à cheval sur le vin
Pour un ciel féerique et divin !

Comme deux anges que torture
Une implacable calenture,
Dans le bleu cristal du matin
Suivons le mirage lointain !

Mollement balancés sur l’aile
Du tourbillon intelligent,
Dans un délire parallèle,

Ma soeur, côte à côte nageant,
Nous fuirons sans repos ni trêves
Vers le paradis de mes rêves !

 

 

PS : un immense merci à l’auteur de ce fantastique cadeau !

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