Kinshasa, mars 2012 : « Séka…»
Chers tous,
c’est devenu ces jours-ci mon mot préféré en Lingala : « Séka…», « Souris », dis-je à celui qui me fait face de l’autre côté de l’objectif, en ce jour congolais version RDC, gigantesque pays où cinq heures de route vous amènent à peine à la ville d’après, et ce au milieu de collines démesurées.
« Séka », dis-je à l’élève, au chauffeur de minibus, à l’habitant du village, de la route ou de la brousse, au militaire comme au ministre. « Séka », souris-moi, en Lingala. Et l’autre, c’est plus fort que lui – et il faut dire que je l’aide pas – l’autre d’éclater de rire, à ne plus pouvoir se retenir, tellement qu’il vous entraîne à sa suite, et que les photos viennent sans qu’on y prête attention : inutile de résister, il ne reste qu’à se laisser porter.
Il n’y a pas de différence, dans la plupart des langues vernaculaires africaines, entre « rire » et « sourire », pas de mot spécifique pour chacune des deux activités, ni d’idiome qui désignerait le fait de ne pas rire jusqu’au bout, de juste ébaucher l’affaire. Alors à défaut de sourire, on rit. Haut et fort. Comme une bannière. Comme un antidote. Comme l’ultime manière d’être à deux, de se donner à l’autre : rire ensemble…
« Séka ! »
En ce matin de mars que j’imagine pluvieux chez vous, et qui est à Kinshasa plus que radieux, je vous envoie des rires,
et je vous embrasse.
Rom, l’homme itinérant
(34 ans et un mois)