ET POUR QUELQUES WESTERNS DE PLUS…

(pour ceux qui auraient manqué le début : le mardi 16 mars à 0h35 — soit mardi soir prochain — France 2 diffuse mon nouveau documentaire IL ÉTAIT UNE FOI DANS L’OUEST… DE L’AFRIQUE, un western en CinémaScope qui raconte une petite place du Bénin où les hommes se font la paix grâce à la pétanque. Et tout au long de la semaine, je vous emmène vers le film en vous racontant sa genèse)

Chers tous, 

aujourd’hui, laissez-moi revenir sur cet instant de vertige qui a donné naissance au film. Attablé à une terrasse, un beau jour d’avril 2019, une bière à la main, bref à une époque non loin des dinosaures où on avait encore le droit de vivre comme on l’entendait. Le tout avec mon ami Mach-Houd occupé à me raconter l’histoire d’une petite place poussiéreuse dans sa ville de naissance, Porto-Novo, et cette incongruité : des hommes qui vivent en paix parce qu’ils se provoquent en duel.

Inconscient (on pourrait dire bourré, mais j’en étais à ma deuxième bière, je précise), je me suis alors écrié : « Mais c’est un western, que tu me racontes là ! » Et on a enchaîné sur nos délires habituels, ceux de l’amitié, ceux qui nous manquent trop à l’heure actuelle, ceux qui font les hommes et les femmes plus grands parce qu’ils les font multiples. Quelques jours après, dans l’émotion de ce moment, j’écrivais un dossier en ce sens, avec duels au soleil couchant tous azimuts, et on le présentait à une productrice que Mach-Houd avait déjà approchée sans succès quelques années auparavant. Laquelle s’est révélée super intéressée par cette nouvelle approche (et est devenue par la suite la productrice du film). 

Et c’est là que le bas blesse :

parce que moi, des westerns, eh ben… j’en avais vu aucun ! Ou alors vraiment très peu. Très très peu…

Alors j’en ai bouffé. Encore et encore. Des histoires de desperados. Des histoires de héros. Des histoires de splendeur et de misère, puisque ce genre exacerbe tous les sentiments, toutes les lumières, toutes les musiques. J’ai appris mon métier de faiseur de western pas à pas, avec humilité, auprès des plus grands — et je les remercie. Un film, comme toute œuvre d’art, ne naît pas de nulle part, ce serait illusoire de le penser (et méchamment orgueuilleux de ma part). Celui-ci est né de plein de choses, mais aussi des nombreuses heures passées à me balader dans les hautes plaines, souvent avec Clint Eastwood ou Sergio Leone, il faut bien le dire, et Ennio Morricone au banjo ou à l’harmonica (nous y reviendrons). Elles m’ont amené chez le barbier (passage obligé de nombre de westerns), au saloon, à cheval, au coin du feu, bref, elles m’ont amené si loin que j’ai eu l’envie de vous emmener avec moi. 

Au point de finir par prendre la décision la plus surréelle de la préparation de ce film : quitte à faire un western, autant y aller franco ! Et au lieu de tourner en 16/9e, comme je le fais d’habitude pour la télé, je tournerais… en CinémaScope ! Pour ceux qui voient pas la différence, c’est le format du cinoche, avec bandes noires au-dessus et en-dessous, et une image qui devient donc beaucoup plus large. Ça allait dans le sens de mon propos, parce que c’est l’idéal quand on veut mettre plusieurs personnes dans le cadre, et raconter comment elles se relient les unes aux autres. Mais ça m’obligeait à revoir tous mes automatismes, puisqu’avec les mêmes objectifs, je n’avais plus du tout les mêmes références dans l’espace. Ou comment se mettre à poil sur un coup de tête à trois jours du tournage 😉

Mais bref, tout ça vous le découvrirez mardi 16 mars à 0h35 sur France 2, et vous verrez que vous l’oublierez complètement (enfin je l’espère).

Alors en attendant, laissez-moi vous emmener à la suite des plus grands maîtres du genre, et vous faire quelques suggestions pour animer vos longues soirées de couvre-feu. Parce que si y a bien un genre qui met de l’air dans la tête, et dans le cœur, c’est le western ! Allez, on monte à cheval, et on y va pour un petit palmarès — « tout personnel », comme dirait le mec de Blow Up sur Arte, grande émission s’il en est  (dont je vous mets un extrait en fin de palmarès). 

Mais bref et rebref, sautez en selle, je mets mon costume d’Eddy Mitchell (époque La Dernière Séance)

et c’est parti pour quelques-uns des cinquante westerns que je me suis envoyés pendant la préparation et la réalisation de mon film : 

1. LES SEPT MERCENAIRES, John Sturges, 1960

Bon ben c’est pas compliqué, je commence par lui parce que c’est le seul que j’avais vu avant (ah non, en y pensant bien, y avait quand même Le Bon, la Brute et le Truand, et Pale Rider, mais passons). Inspiré (sinon largement pompé) des Sept Samouraïs, de Kurosawa, Les Sept Mercenaires offre un pitch à s’en lécher les babines tellement il est limpide : des paysans attaqués par des bandits cherchent des mercenaires pour les défendre, mais comme ils ont pas une thune, ils sont obligés de trouver… des mercenaires au grand cœur ! Un casting à l’avenant, avec tout ce qu’Hollywood compte de stars : Yul Brunner, Steve Mc Queen, James Coburn, Charles Bronson et j’en passe (trois, si vous avez bien compté 😉 ) Au final, un enchaînement de scènes mythiques qui vous feront friser les moustaches l’une après l’autre : Steve Mc Queen et Yul Brunner qui escortent un noir dans un cercueil vers le cimetière, devant l’animosité de tout un village, le recrutement de chacun des sept (notamment celui de Bronson, grosse star du milieu, qu’ils recrutent pour 20 $, sans doute ma scène préférée) et puis l’entraînement des paysans, la romance, l’assaut final (assez anecdotique par rapport au reste), le tout avec une musique qui vous restera longtemps dans les oreilles. Allez, j’arrête là, si vous l’avez pas vu vous devriez déjà être devant votre écran avec vos gamins !

2. IMPITOYABLE, Clint Eastwood, 1992

Forcément, ça ne sera pas le seul de l’ami Clint, vu que c’est un peu l’acteur numéro un du genre. Quand je suis tombé sur ce film, l’histoire de cet ancien roi des desperados à qui on offre un dernier contrat alors qu’il s’est rangé des voitures (et qu’il élève des porcs, première scène à hurler de rire tellement le mec est nul) j’ai forcément pensé à Néné, le vieux monsieur devenu le personnage principal de mon film, et qui a amené la pétanque sur la place, en 1956, avant de laisser de côtés ses boules favorites et son trône. Mais je ne vous en dis pas plus, je voudrais pas vous spoiler ni Impitoyable ni Il était une foi… Et quant à l’affiche, je vous ai déjà raconté comment elle m’a inspiré.

3. MON NOM EST PERSONNE, Tonino Valerii, 1973

J’ai une tendresse particulière pour Mon nom est Personne. Quand l’ami Tonino s’y colle, le western spaghetti vit déjà ses dernières heures, et nombre de maestro sont passés avant lui. Autant dire que le mec s’avance sur une planche méchamment glissante tant les chefs-d’œuvre se sont succédé dans les décennies précédentes. Comment s’en sortir ? En faisant un western inclassable. Un western dans lequel le personnage principal (joué par Terence Hill, fallait oser) aurait vu tous les westerns, et jouerait toujours avec leurs références. Où il serait à la poursuite d’un certain Jack Beauregard, héros de l’Ouest rangé des voitures (c’est une fixette, dans le western, de se ranger des voitures 😉 ) pour le convaincre d’affronter la fameuse Horde Sauvage (The Wild Bunch en VO, nom de la boîte de prod de Tarantino), une centaine de types patibulaires, et ce à lui tout seul. Si je l’aime d’amour, celui-là, c’est parce que c’est l’un des seuls… qui fait rire ! Normalement, le western est sérieux comme une paire de colts — mais là non. Et moi mon film, je voulais aussi qu’il fasse rire. Alors… je vous laisse découvrir ce chef d’oeuvre! Non sans vous préciser auparavant que Tonino Valerii a longtemps été l’assistant d’un certain Sergio Leone (qui sur ce film, fait le producteur, rien moins que ça) et que la musique (fabuleuse mais nous y reviendrons) est du maître incontesté du genre, j’ai nommé Ennio Morricone. Bref, une sacrée équipe pour un sacré film !

4. IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST, Sergio Leone, 1968

Ah, problème insoluble : quel western choisir dans la filmo du grand Sergio, lui qui a renouvelé, puis défini le genre avec ses westerns spaghettis ? Le Bon, la Brute et le Truand, et cette quête insensée d’une tombe ? Et pour quelques dollars de plus, qui se passe tout entier autour d’une seule rue dans un tout petit village ? Ou Il était une fois la révolution et son célèbre « J’ai cru en beaucoup de choses, maintenant je crois en la dynamite » ? Histoire de rendre à César ce qui appartient à César, ce qui est le but de notre post du jour, j’ai fini par choisir celui qui a inspiré le titre de mon documentaire. Un western fleuve, infini (il fait quand même 2h46 !!!) et dont je ne vous raconterai rien sinon la scène d’ouverture, que je serais capable de me repasser plan par plan tellement je la kiffe. Trois desperados arrivent dans une gare, ils attendent un train, font peur au guichetier, rien que du classique. Mais le temps passe, encore, encore, on croirait presque qu’il s’est arrêté quand le train arrive. Les trois méchants guettent, les passagers sortent, leur cible n’est manifestement pas là, le train repart… et derrière le train, il y a Charles Bronson, l’homme à l’harmonica, dont un personnage dira plus tard : « Il joue de l’harmonica mais il joue aussi de la gâchette ». Bref, mythique (mais je me répète, je sais)

5. Rio Lobo, Howard Hawks, 1970

Si j’aime Rio Lobo, pas le plus connu des Hawks et mon seul John Wayne de la liste (qui est aux westerns du début ce que Clint sera aux westerns de la fin), c’est que c’est une histoire d’amitié improbable. Mieux, une réconciliation impossible. Pensez plutôt : durant la guerre de Sécession, John Wayne est un officier du Nord dont le convoi se fait attaquer par un détachement de Sudistes. Son adjoint et meilleur ami se fait tuer durant l’attaque. À la sortie de la guerre, il attend deux des officiers qui l’ont attaqué avec une seule question en tête, qu’il a remâchée durant des années : qui l’a trahi ? Qui a donné son convoi ultra secret ? Une question qui mènera le Nordiste à devenir l’ami des Sudistes, et les emportera dans un long road-movie (mais sans road vu qu’on est chez les pionniers). Et surtout vers cette rareté dans le western : une amitié entre un homme, le Colonel McNally (John Wayne) et une femme, Shasta Delaney (Jennifer O’Neill) !!!  

6. Django, Sergio Corbucci, 1966

Un homme marche dans la boue, au milieu de rien, solitaire. Sur son épaule, une selle. Et une corde. Au bout de la corde… un cercueil ! Difficile d’oublier la première scène de Django, western au pitch minimaliste mais pour le moins frappant. Tellement difficile à oublier que Tarantino, quarante-six ans plus tard, reprendra non seulement le titre du film mais aussi sa BO (faut pas se faire chier) Ça devrait suffire à vous tenter, non ? Et si ça suffit pas, plutôt que la bande-annonce, je vous mets cette fameuse première scène, avec la BO fabuleuse que Tarantino reprendra dans son propre Django en 2012 :

 7. LES HUIT SALOPARDS, Quentin Tarantino, 2015

J’ai découvert ce qui est sans doute le moins connu des Tarantino à l’occasion de ce documentaire. Et je ne le regrette pas. Certes, il n’a pas la flamboyance de Reservoir Dogs, ni la folie stylistique de Pulp Fiction, mais je l’aime bien quand même. L’histoire ? Un chasseur de prime arrive avec sa redoutable prisonnière en diligence dans un relais perdu au milieu des montagnes enneigées et se retrouve au final avec six autres personnages. Un huit clos magnifique, où les lignes bougent sans cesse. Et où surtout, comme dans tout Tarantino qui se respecte, ça jacte à tout va. J’ai essayé de mettre Tarantino dans les remerciements de mon documentaire pour ça, pour cet amour de la tchatche qui est si fort dans son cinéma comme sur toutes les places d’Afrique, mais France 2 a refusé (comme pour Sergio et Ennio, que j’avais essayé de mettre aussi). Pourtant, mon film lui doit beaucoup 😉 Alors à tout seigneur…

8. CLINT EASTWOOD, POUR L’ENSEMBLE DE SON ŒUVRE

Que serait le western sans Clint ? Sergio Leone n’aurait sans doute pas connu le succès qui fut le sien, Micheal J. Fox ne serait pas habillé comme ça dans Retour vers le futur 3, et on entendrait pas à tout bout de champs « Le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé, et ceux qui creusent : toi, tu creuses » que l’ami Clint a popularisé dans Le Bon, la Brute et le Truand. Alors, plutôt que de vous conseiller l’un de ses films (mais quand même, je vous recommande L’homme des hautes plaines, de et avec Clint, que mon ami Mach-Houd, grand fan de westerns, m’a fait découvrir), je vous laisse avec le numéro spécial de Blow Up, l’émission d’Arte, consacré au monument du western (et du cinéma en général), mythique déclaration d’amour de Thierry Jousse au grand Clint : 

9. BONUS : LE WESTERN EXPLIQUÉ AUX ENFANTS

Parce qu’en ce moment, on passe quand même pas mal de temps avec nos enfants, parce que IL ÉTAIT UNE FOI DANS L’OUEST… DE L’AFRIQUE est un film à voir en famille (pour ceux qui le verront en replay ou alors vous avez des enfants noctambules 😉 ), parce que c’est aussi l’histoire d’un vieux qui avait gardé une âme d’enfant et qui était toujours entouré de minots, je finis avec un petit clin d’œil sur lequel je suis tombé en réalisant ce post, et qui explique aux 10-14 ans rien moins que… la façon de réaliser un western ! C’est pas long, bien fait, ça rappelle toute l’histoire du genre, bref j’aurais trop voulu le voir avant de réaliser le mien. Car vous l’aurez compris après ce très long post, il y a mille façons de faire un western. Ou pour le dire plus simplement : il n’y a aucune règle, sauf celles que vous vous fixez ! Alors vivement les jeunes réals des westerns de demain !

https://www.arte.tv/fr/videos/077571-000-A/comment-realiser-un-western/

Voilà, chers tous, c’est fini pour aujourd’hui !

Demain, promis, je vous balance la bande-annonce, alors va falloir faire tourner 😉

alors va falloir faire tourner 😉

Et si vous avez raté le début des ces post un peu surréels, voilà de quoi vous rattraper, il suffit de cliquer :

  1. Une histoire de licorne
  2. Il était une foi dans l’ouest (trailer)

N’hésitez pas à faire tourner à gogo, à partager sur les réseaux, histoire de mettre le plus de monde possible devant l’écran mardi soir, de se faire une immense salle de cinéma virtuelle à défaut de s’en faire une vraie, et de leur casser la baraque !!!!

Et après, comme tout bon personnage de western qui se respecte, je me rangerai des voitures pour un p’tit moment 😉

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