Ce n’est qu’un au revoir…
Plus de trois semaines, maintenant, que Nelson Mandela est hospitalisé.
Encore une fois, son état dément les prédictions de tous les sorciers médiatiques
– du moins c’est ce qu’on nous dit.
Las, les grands médias étrangers rapatrient leurs envoyés spéciaux, qui commencent à coûter cher.
Ils seraient d’ailleurs sans doute rentrés plus tôt sans la visite d’Obama
(que tous, nous les premiers, nous sommes employés à couvrir – « parce que vous comprenez, comme vous êtes là, autant faire quelque chose… »)
(http://homme-itinerant.fr/la-visite-dobama-vue-par-le-mail-guardian/)
Le barnum médiatique continue néanmoins devant l’hôpital le plus célèbre du monde, et même s’il est sur le point de retrouver sa taille « normale » après le gigantisme des derniers jours (rue bondée, barrée, camions satellites se battant pour une demie place en écrasant les choux que les médecins de l’hosto faisaient pousser devant l’entrée, patrouilles de police, et même chiottes sèches installées, merci la présidence),
ça reste tout de même très impressionnant :
L’autre soir, on a même eu le droit à une séance spéciale de cinoche en mode Cinéma Paradiso. Un mec s’est pointé avec un écran gonflable, et une heure durant, il a projeté des archives de l’ANC sur la vie de Mandela (je vous recommande l’image de Madiba arrivant à son procès en tenue traditionnelle, le kaross…) :
De son côté, la famille se déchire déjà au sujet de l’enterrement, et pour cause :
il y a deux ans, Mandla Mandela, l’un des petit-fils de Nelson (que j’avais rencontré lors de ma première visite, il y a deux mois à Qunu) a choisi de déplacer les tombes de trois des enfants de Madiba de Qunu à Mvezo, village dont il est chef coutumier – espérant ainsi faire faire un crochet au flot de touristes qui ne manqueront pas de venir visiter la tombe du héros de la lutte anti-apartheid. Mais comme les dernières volontés du malade le plus célèbre du monde spécifient qu’il veut être enterré à Qunu, le village de son enfance, un procès éclair intenté par le reste de la famille vient d’intimer l’ordre à son petit-fils de faire redéplacer les ossements de Mvezo à Qunu. D’où nouvelles rumeurs : maintenant, c’est sûr, ils vont pouvoir annoncer sa mort… (jusqu’alors, il ne pouvait pas mourir, car « son âme n’était pas en paix » :
Bref, l’ambiance est toujours aussi étrange ici, voire carrément nauséabonde. La famille rejette maintenant la faute sur les médias, accusés de faire les vautours parce qu’ils diffusent en continu des nouvelles
(faudrait leur expliquer ce que c’est que des vrais vautours du journalisme : que je sache, personne s’est encore risqué à essayer d’aller voler une image à l’intérieur de l’hôpital, ce qui en d’autres circonstances et d’autres temps, serait arrivé depuis longtemps).
Et quant à moi, je me demande toujours autant ce que je fais là. Dimanche, si rien n’a changé, je rentre à la maison, à Dakar.
Histoire de couper enfin le fil qui retient au-dessus de ma tête une lourde épée de Damoclès aux couleurs arc-en-ciel qui a fini, à la troisième visite et après un bon mois de cette activité bizarre, par me rendre vraiment triste : venir de l’autre bout de l’Afrique pour attendre malgré moi quelque chose que je ne souhaite pas est l’une des activités les plus déprimantes qu’il m’ait été donné de vivre…
PS : et sinon, vendredi, j’ai vu Winnie Mandela en face. Histoire de reprendre la main dans le ballet de communication familiale, elle s’était invitée devant son ancienne maison, à Soweto. En l’attendant, on se disait avec les confrères que ça aurait été classe de la voir débarquer en bus. Elle est arrivée en Audi dernier cri, escortée d’une Mercedes tout aussi dernier cri (les Sud Af sont très fan de bagnoles), histoire de dire presque rien face à… 18 caméras ! (et je ne compte pas les radios et la presse écrite). Quand je vous disais étrange, le mot est faiblard…
