Welcome to Africa !

Ouagadougou, dimanche 2 septembre 2001, 18:47

(le tout premier mail, douze ans déjà…)

 

Welcome to Africa

 

Chers tous,

faut m’excuser : j’avais pourtant promis de ne jamais écrire de mails collectifs, de garder à la relation avec chacun d’entre vous son caractère exclusif – et voilà que je me dédis.

Mais la cyber-boutique dans laquelle j’ai élu domicile, avec une rue de terre rouge à sa porte et une vitesse de connexion internet préhistorique, me laisse bien peu le choix… Alors trêve de bavardage intempestif, venons en au fait :

je suis en Afrique !!!

 

Avec mon compère Renaud, lui aussi apprenti reporter, on a dégoté un gros mois de boulot à la RNB, la Radio Nationale du Burkina Faso !

On habite dans un appartement au centre de Ouaga. Juste au-dessus du grand marché – Rood Woko pour les intimesvaste concentration de vendeurs de fruits, légumes, poulets chèvres oiseaux, piments, tissus, casquettes, pellicule photo, vaisselle… la place et le vocabulaire manquent pour décrire tout ce qu’on peut acheter ici.

Pour ceux qui connaissent le Rynek, à Cracovie, où j’ai eu la chance de vivre, disons que c’est à peu près la même chose : un brouhaha permanent, une peinture sonore telle que, quand on est sur la terrasse ou même dans son lit, on a l’impression de continuer à voir tout ce qui se passe en bas.

C’est à la fois très nouveau, très déroutant, comme si on était dans un film. Et en même temps, j’ai le sentiment bizarre d’être là où je dois être, d’être chez moi. Rassurez-vous, les trente personnes qui m’arrêtent chaque jour dans la rue, au restau ou ailleurs me rappellent que je ne le suis pas. Je suis blanc – « Nasaara » en langue mooré – et à Ouaga, cette couleur est synonyme de portefeuille ambulant. Bon, une fois qu’on le sait, qu’on l’accepte et qu’on ne se formalise pas pour autant, ça passe. Et on se reprend à capter des sourires, et des regards plus beaux que nulle part ailleurs.

On est dimanche, aujourd’hui, et demain on attaque le boulot. Je me demande ce qu’on va bien pouvoir nous faire faire. Si on me confie un enregistreur, je sors un reportage de vingt heures rien qu’en racontant ce que je vois, ce que je vis, si éloigné de tout ce que je connais – et à la fois si familier, si étrangement familier :

hier, j’ai vu un gamin tenter, en vain, de vendre deux paquets de mouchoir à un feu rouge, dérisoire commerce qui m’a fait me sentir un peu honteux. J’ai vu aussi, partout, les femmes en boubou et talons sur leur troupeau de mobylettes, très droites, très colorées – si dignes et fières qu’on ne serait pas étonné de les trouver chevauchant en amazone…  J’ai dansé, aussi, comme jamais. Fondu jusqu’au bout de la nuit dans une boîte en plein air, envoûté par la voix d’une Césaria Evora locale, entraîné en transe par son orchestre improbable.

Et surtout, j’ai pris cette grosse bouffée d’air dans la gueule, juste à la sortie de l’avion, directement sur le tarmac : l’air était si dense, si moite et chaleureux, que j’ai vraiment eu l’impression de pénétrer dans un nouvel élément, comme un liquide. Mon ptit cœur s’est mis à remuer très fort …

Voilà, chers tous, pour les premières  nouvelles de cet autre continent qui me fait croire que j’ai enfin trouvé le bon. Je pense à vous, je suis de tout cœur avec ceux et celles pour qui c’est pas forcément super rose en ce moment (ils se reconnaîtront),

et je vous embrasse tous très, très fort.

Rom, l’homme itinérant

                                                                                                 (23 ans et 6 mois)

 

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